Veines d’eau, sillons de vie
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[RENCONTRE] une série de portraits et de retours d’expériences pour apporter toute la lumière aux belles initiatives des Profs en transition d’ici et d’ailleurs.
La science et l’art sont deux disciplines souvent opposées à tort. Si leurs méthodes diffèrent, que l’une se réfère à l’étude du réel et l’autre s’adresse au sensible, lorsqu’ils s’associent, ils forment une union étonnante qui profite l‘une à l’autre tels deux organismes en parfaite symbiose. Les œuvres hybrides de Robert Szucs en sont le parfait exemple.
À l’heure où les évènements climatiques ravagent nos régions qui souffrent cruellement de l’assèchement de leurs cours d’eau, que des villes entières se retrouvent sans eau potable et pourraient soudainement être balayées par des pluies diluviennes, les cartes des bassins fluviaux de ce “géogr’art’phe” prennent alors tout leur sens pédagogique.
L’art pour réapprendre à observer et apprendre
Durant toute leur scolarité, les émotions ressenties par les élèves peuvent interférer ou faciliter le processus d’apprentissage. L’art est ce transmetteur sensible qui invite ici l’œil à mieux observer. Observer une carte de Robert Szucs, c’est réapprendre à voir. L’ensemble de ses cartes sont autant d’inducteurs émotionnels de l’extraordinaire complexité du vivant que de son immense fragilité. Elles peuvent servir de support pédagogique pour illustrer, comparer, comprendre les mécanismes en cours dans sa région, son pays ou à l’échelle de la planète.
Prenons pour exemple les cartes hydrographiques, qui, telles des veines irriguant les terres, donnent vie et relief à l’enchevêtrement de cours d’eau des bassins hydrographiques. Il semble alors plus facile de comprendre, redéfinir et dépoussiérer le lexique associé à ces notions : sources, fleuves, affluents, embouchures, etc.
L’Amérique du sud
Ces cartes sont autant de possibilités pédagogiques qui invitent l’enseignant à aller plus loin en mettant en exergue des sujets connexes comme le problème de la crise de l’eau, de l’accès à cette ressource ou de sa surexploitation. La compréhension des conséquences potentielles d’une pollution à la source en est aussi facilitée. Les ressources pédagogiques connexes sont nombreuses, que ce soit avec les podcasts Canopé ou bien auprès de l’agence de l’eau.
Avec les plus jeunes, on peut travailler et repérer visuellement le vocabulaire hydrographique : bras, affluent, confluent, méandre, amont, aval, lit, embouchure, etc. Il est également possible d’y superposer une carte en relief, d’essayer de reconstituer d’une manière simple certains transferts de risques et enjeux environnementaux (liés à des activités économiques par ex.) d’une zone à l’autre. Il peut être intéressant aussi d’étudier le lien entre unicité hydrographique et zonation écologique comme le propose la trame bleue et verte.
Pour les plus grands, ces cartes permettront de mieux saisir les perspectives du changement climatique et les effets potentiels de pluies torrentielles plus fréquentes ou inversement de conditions très chaudes et sèches : un dérèglement annoncé du cycle de l’eau. Le dernier rapport du GIEC fait en effet état d’une augmentation de précipitations torrentielles de 7% par degré de réchauffement.
Cette expérience, à reproduire en classe du dehors, permet de mieux comprendre les effets d’une sécheresse sur le ruissellement des eaux de pluie. Bien que discutable sur le protocole, elle reste une bonne illustration de ce phénomène naturel et permet dans le domaine de la géographie de mettre en lumière les risques d’inondation pour les populations après des périodes de sécheresse. Il serait alors intéressant de rapprocher ces visuels d’outils ou de cartes de nos territoires permettant d’étudier un risque naturel local. Geoportail permet notamment d’ajouter des fonds de cartes très intéressants dans des données thématiques très variées.
L’Australie
La Géorgie
La péninsule ibérique
L’Afrique
L’art environnemental
Preuve en est que l’art et la science se conjuguent aujourd’hui au présent : l’illustration des derniers rapports du GIEC avec les graffiti environnementaux de l’Américaine Alisa Singer en première de couverture.
Couverture du rapport du GIEC de 2022
Libre à chacun de tirer une interprétation de son planisphère haut en couleurs : trop coloré et doux pour certains qui y interprètent une légèreté paradoxale, quand d’autres y voient l’illustration parfaite du choix de société que nous devons faire.
Alors, quand par sa griffe, l’artiste habille la science, l’information semble plus accessible. L’art devient un allié marketing, volontaire ou non, mais toujours au service de la cause.
Si pour certains leur art est un acte militant affirmé, pour d’autres, il se révèle de manière plus inconsciente en sublimant leur travail.
Sensible à l’art, Robert n’avait, de son côté, jamais imaginé pouvoir conjuguer un jour les deux disciplines et « de démarrer son travail sous cette forme ». Ce Hongrois de formation scientifique n’a pas hésité à mettre ses compétences d’analyste et de cartographe au service de différentes ONG, l’argent n’ayant jamais été un moteur dans ses choix professionnels.
Entre Bornéo, le Portugal, l’Afrique du Sud où il a étudié, et jusqu’en Alaska, ce baroudeur a toujours privilégié « les opportunités pour grandir en temps qu’humain et apprendre sur le terrain plutôt que de rester à s’ennuyer dans un bureau en Angleterre ». Et c’est certainement là que tout à commencé, emmagasinant en lui, et au travers de ses voyages, la beauté éducative de la nature.
Au démarrage de son activité d’analyste et de cartographe, Robert voulait simplement mettre en valeur ses compétences et les savoirs à transmettre en rendant ses cartes plus attractives et vivantes. Ce qu’il définit comme « un accident » est plutôt à considérer comme une chrysalide d’art-environnemental qui grandissait en se nourrissant de ses précédentes expériences de vie : la forêt primaire de Bornéo ou les courbes des rivières d’Amazonie.
Tout le potentiel esthétique des cartes au service de l’information scientifique a fini par éclore dans une explosion de couleurs et de détails saisissants. Ainsi Robert Stuck défend lui aussi, par son art, les composantes de nos écosystèmes.
Aujourd’hui son travail est de plus en plus utilisé en classe et à travers le monde. C’est à la fois sa plus grande fierté mais également une revanche pour cet ancien écolier éduqué dans le pur style prussien que d’offrir aux étudiant.e.s, aux écolier.e.s, la possibilité d’étudier autrement.
Très sensible à la transition et aux valeurs humanistes, Robert est un soutien sans faille aux enseignants et particulièrement envers l’engagement des Profs en transition pour sensibiliser les générations futures.
Tout son travail, ses “illustr’ART’ions” sont disponibles sur son site GrasshopperGeography.
Avis aux Profs en transition qui auront lu jusqu’au bout cet article : il serait ravi d’échanger avec vos classes et vous envoyer les cartes qui vous seront nécessaires dans nos missions de compréhension et de sensibilisation. Pour le contacter c’est ici.
Ressources complémentaires
Retrouvez également ici d’autres ressources autour de la préservation de l’eau douce :
- Une nouvelle façon d’appréhender le cycle de l’eau en suivant le trajet d’une goutte d’eau via la super application didactique river-runner-global.samlearner.com
- Le très bon dossier thématique d’Eduscol : l’eau = la vie, le cycle de l’eau, l’eau dans le monde, l’eau potable, consommation de l’eau, combien me coûte l’eau
- L’excellente séquence pédagogique “Ec-eau-citoyen” à mi chemin entre Education morale et civique et en sciences et technologie de l’académie de Toulouse
- En agissant à la source, du flocon à la vague avec la Water Family
- Pour les collégiens, mener l’enquête et comprendre les liens entre élevage et qualité de l’eau.
Pour les plus jeunes:
- Une sensibilisation et revoir la méthodologie du lavage des mains pour préserver la ressource. Étendre aux gestes du quotidien en dehors de l’école (douche, brossage des dents etc.)
- Visionner l’épisode “le trajet d’une goutte d’eau” avec la vidéo de Ma planète chérie
- Travailler avec Lumni sur L’eau dans tous ses états
- Autour des sens: écouter des sons de l’eau dans la nature (mer, ruisseau, cascade… et essayer de les identifier) ou de manière interactive avec la sonothèque.
Coté littérature et chansons:
- L’or Bleu de Danielle Martinigol
- Mystère en plein champ de Hélène Montarde
- Au boulot les castors de Elsa Devernois
- Des histoire en chanson avec Barbabor
- Le texte ou la chanson Le lac Saint-Sebastien d’Anne Sylvestre, repris par les Ogres de Barback
- Un joli film d’animation pour les plus petits: La baleine et l’escargote
- Pour parcourir la relation de l’eau à l’humain du point de vue de l’enfant et dans différentes régions du monde Les enfants de l’eau d’Angèle Delaunois
- Sans oublier le merveilleux L’homme qui plantait des arbres de J. Gionno
Retrouvez aussi d’autres supports dans notre médiathèque Profs en transition.