Banksy : L’Art de réveiller les consciences !
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Si je vous dis : “street-artiste anglais incontournable, adepte du pochoir, graffeur mondialement reconnu, identité inconnue”, vous me répondez ? BANKSY, off course !
Nous, autres adultes, avons certainement en tête certaines de ses œuvres critiques, défiant les autorités, les règles et les systèmes en place.
Mais concernant nos élèves… En quoi Banksy peut-il apporter une perspective précieuse pour les aider à mieux comprendre la condition humaine et le monde qui nous entoure ?
La déclinaison artistique de son travail d’auteur, d’exposition à un public non averti, à la question de la marchandisation de l’art sont autant de possibilités pédagogiques auxquelles s’ajoutent les valeurs puissantes véhiculées au travers de ses œuvres. Elles trouveront, à ne pas en douter, un certain écho, dans nos salles de classes ou dans nos classes dehors.
Un art sur les murs pour une école hors les murs
Le street-art peut prendre autant de formes qu’il y a d’auteurs. Il a l’avantage de bousculer les codes des arts, plus traditionnellement enseignés en salle de classe.
Banksy, quant à lui, navigue à la frontière entre l’art de rue, l’art contemporain et la culture populaire. Son travail est une invitation à explorer de nouvelles formes d’expression artistique.
Notamment, nous pouvons balayer l’idée prédominante de nos chers élèves que l’art ne peut être qu’un tableau ou une sculpture, à forte valeur commerciale. Si ses œuvres se revendent à des prix astronomiques, Banksy en refuse toute marchandisation spéculative. Il sera intéressant d’analyser la vidéo de la destruction partielle de son œuvre vendu à Sotherby pour en faire émerger le concept.
Dans l’art-urbain, le plus souvent, les œuvres s’affichent dans l’espace public. Cette approche facilite la compréhension de la relation de l’oeuvre à son support de présentation. En effet, à la vue de tous, cet art prend le contre-pied des œuvres qui s’exposent aux visiteurs volontaires dans un lieu dédié (galeries ou musées). Cet art supprime ainsi la barrière de l’accès à l’art et permet aux élèves de s’engager directement avec lui dans leur propre environnement.
Pour les artistes de rue, les façades ou autres éléments urbain deviennent un acte artistique engagé dans lesquels ils s’adressent à tous. C’est une remise en question des normes habituelles de l’art par nos élèves : une démocratisation de l’art qui s’offre à un public non averti . Banksy en est un maître, il cherche à perturber le passant. Il va plus loin en disant même chercher à ce que :
« L’art devrait perturber les confortables et réconforter les perturbés »
Artiste, Dessinateur, Graffeur,
Nous avons là une véritable remise en question des normes conventionnelles de l’art.
En conservant son anonymat “Bansky”, permet aux élèves de repenser qui est l’artiste. Cette quête de l’auteur ajoute un caractère énigmatique qui invite à chercher des réponses dans son engagement artistique. Les messages qu’il cherche à transmettre par ses œuvres sont appuyés par cette volonté de rester anonyme.
Si un artiste maitrise la controverse et les débats, c’est bien Banksy. Ses œuvres offrent un support idéal pour enrichir les discussions et inciter les élèves à explorer, en éducation morale et civique, différentes perspectives. Souvent provocantes et exigeantes sur le plan intellectuel, elles les encouragent à travailler l’implicite et à développer leurs réflexions critiques.
J’aime à dire que l’art est ce transmetteur sensible qui invite l’œil à mieux observer ou plutôt à “apprendre à voir”. Alors autant commencer jeune ! Et oui, cela ne s’invente pas, cela aussi s’apprend.
Le street Art a toujours eu vocation d’attirer l’attention et de faire passer des messages, certes furtifs car destinés à être dégradés par le temps. L’art de Banksy est d’un cynisme percutant ! Pas si éphémère son art finalement, tellement ses œuvres marquent les esprits. Ses créations jouent sur des contrastes de façon saisissante. Il met souvent en scène l’innocence de l’enfant ou son univers qui se confronte à la dure réalité du monde de l’adulte et des choix qu’il opère.
L’idéale est de partir à la rencontre du street-art et de son auteur dans sa cité. C’est une occasion de faire classe dehors ou hors les murs ; un apprentissage par lequel l’élève apprend à créer du lien social et accéde à la culture en s’emparant des évènements ou oeuvres culturels de sa ville.
Si vous avez la chance de croiser La Banksy modest collection, foncez, ce sera certainement une exposition que vos élèves n’oublieront pas de si tôt. Elle fut, pour certains de mes élèves, leur première exposition et un plongeon inoubliable dans l’univers d’un artiste. L’aide des médiateurs présents bénévolement ainsi que la mise en scène des oeuvres magnifiquement orchestrée, a largement participé à mieux comprendre la narration visuelle de Banksy.
Banksy: LE prof d’art engagé pour questionner les dérives de notre société.
Mais alors, quelle éducation à la transition écologique et sociale ?
Bien observer ou étudier le travail de Banksy permet aux élèves de se construire en tant que citoyen, de prendre conscience des paradoxes de notre société, d’apporter un éclairage sur l’actualité, et d’inviter l’élève ou l’étudiant à réfléchir à son devenir dans cette société.
Cette forme artistique a vocation à être accessible à tous, gratuite, donc très inclusive. C’est d’ailleurs souvent l’occasion pour nos élèves de prêter plus particulièrement attention à son environnement architectural et d’y repérer d’autres oeuvres ou formes d’oeuvres.
Quant aux messages et aux valeurs véhiculées, Banksy a toujours dénoncé les dérives de notre société et ses effets délétères sur notre environnement. Il utilise l’art comme un moyen puissant d’expression sociale et politique. Étudier son travail encourage les élèves à réfléchir à la manière dont l’art peut être un outil de changement social et de sensibilisation.
Les thématiques à explorer pédagogiquement sont multiples, en voici quelques exemples par oeuvre:
Comment rester insensible face à cette affiche réalisée pour Greenpeace et qui n’a même pas eu le temps d’être déployée face aux risques pénaux. L’analyse de cette affiche est, selon moi, à reserver aux élèves en capacité d’avoir une distance émotionnelle suffisante face aux messages véhiculés. En effet, l’enfance est baillonée, prisonnière d’une société de consommation qui n’a plus peur de rien, y compris de sacrifier l’avenir des nouvelles générations (un bourreau de la biodiversité et de la condition humaine). L’homme qui scie la branche sur laquelle il est assis…
La transition vers l’oeuvre suivante est toute trouvée :
Est-il nécessaire de developper l’intention véhiculée par cette image ?
Construite sur deux plans, l’analyse par l’élève de cette image est plus facilement accessible. Elle offre un véritable support de réflexion sur la condition animale et plus largement le rapport de l’homme à ses loisirs et au vivant. Dans l’idée de construire l’élève en tant que sujet lecteur, cette oeuvre peut, par exemple, être associée au superbe conte de Louis Joos et Rascal.”Le voyage d’Oregon“. Dans ce dernier, un vent de liberté pousse les personnages à se questionner sur leur identité. Un voyage initiatique à la recherche du bonheur, du respect de soi et de la différence…
En revanche, quand Banksy revisite les oeuvres les plus célèbres du patrimoine, les modifications sautent alors plus facilement aux yeux des élèves moins avertis. Ici, les éternelles nymphéas basculent dans la société du XXIème siècle: un mépris générationnel de notre environnement par un consumérisme exacerbé. Le titre “show me the monet”, à lui seul, fait écho à la marchandisation de la culture et au dénigrement du marché de l’art. Cette oeuvre fait partie d’une série de tableaux intitulée « Crude Oils » (« Peintures à l’huile vulgaires »).
Banksy dépoussière l’art.
Dans son oeuvre “Under the carpet“, visible ci-dessus, la poussière revet une autre symbolique: elle représenterait la réticence du monde occidental à s’attaquer aux problèmes mondiaux tels que les inégalités sociales et la pauvreté. Cette femme de chambre de couleur, doit faire disparaitre cette poussière d’une classe privilégiée afin que le mur de l’aveuglement reste blanc immaculé.
Banksy s’attaque à beaucoup d’autres thématiques tels que le dérèglement climatique, les conflits armés et leurs conséquences sur les populations civiles:
Apparue à Venise en 2019 sur une façade qui longe le Rio de Ca Foscari, au cœur de la ville, “L’enfant au fumigène” alerte sur les conséquences du dérègelement climatique sur les populations. L’étude du support et du lieu choisi par l’auteur, en terre et mer, est hautement symbolique : chaque jour des familles tentent de rejoindre les côtes d’Italie pour tenter d’y construire un autre avenir . Avec ses pieds dans l’eau, cette oeuvre devient un baromètre des conditions de vie locale (acqua alta). Par extension, elle vise les effets les plus violents du déreglement climatique qui, sur l’ensemble du globe, bouleversent les mobilités humaines.
Chacun sera à même d’établir des parallèles avec les personnes en situation de migration et l’histoire des migrations humaines. Voici un très beau projet pédagogique, profondément humaniste, qui invite à prendre la mesure des enjeux en abordant en classe, la question des migrations humaines. Les projections présentent une progression qui va de 260 millions de réfugiés climatiques en 2030 à 1,2 milliards en 2050.
Chaque spray de peinture est une invitation à repenser le monde qui nous entoure.
Finalement, le street art, et en particulier les œuvres provocatrices et engageantes de Banksy, offrent d’extraordinaires supports pour aborder les questions de société avec nos élèves.
En effet, les créations de Banksy transcendent les limites des galeries traditionnelles en investissant l’espace public, en offrant ainsi une plateforme accessible à tous pour susciter la réflexion. Ses œuvres, souvent chargées de commentaires sociaux et politiques incisifs, captivent l’attention des élèves et les invitent à explorer des sujets complexes tels que l’injustice, la corruption, la discrimination et l’environnement.
En étudiant l’implicite des messages, les techniques artistiques, et les supports de Banksy, les élèves peuvent développer leur sens critique, leur empathie et leur compréhension des enjeux contemporains. De plus, le mystère entourant l’identité de Banksy ajoute une dimension intrigante à ses œuvres, stimulant la curiosité des élèves et les encourageant à rechercher des réponses dans un contexte plus large. À travers ses toiles urbaines, les élèves découvrent bien plus qu’un simple art de rue : ils entrent en contact avec une école de pensée sociale et politique, où les murs deviennent des tableaux de conscience et les messages visuels sont autant de leçons à méditer.
En somme, en utilisant les œuvres de Banksy dans leurs séquences pédagogiques, les enseignants ou les acteurs de l’éducation, peuvent fournir aux élèves un moyen puissant d’explorer et de discuter des problèmes sociaux et politiques qui façonnent notre monde moderne.
Enseigner avec Banksy, c’est élargir l’horizon d’une classe où l’art transcende les frontières, où la créativité rencontre l’engagement, et où chaque spray de peinture est une invitation à repenser le monde qui nous entoure. En fin de compte, le street art devient ainsi un professeur d’art exemplaire, enseignant non seulement les techniques esthétiques, mais surtout les valeurs de justice, d’égalité et de responsabilité sociale.
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