ArborEcole,  Citoyenneté et Solidarités

Voyage au Pays des Arbres

Temps de lecture : 5 minutes

[ArborEcole] Cet article s’inscrit dans le cadre de l’initiative “ArborEcole” qui a pour objectif de proposer des ressources et projets éducatifs autour de la biodiversité, de la végétalisation et de la forestation

Voyage au pays des arbres est une nouvelle de J.M.G Le Clézio illustrée par Henri Galeron aux éditions Folio Cadet. Ce texte, disponible ici, est accessible dès 8 ans en lecture suivie et permet de travailler avec les enfants autour des essences d’arbres et de (r)établir un lien sensoriel avec notre plus vieil ami végétal ! Il est également possible d’en faire bénéficier les élèves plus jeunes dans le cadre d’une lecture offerte, le format étant court, avec une vingtaine de pages de texte.

« Il y avait une fois un petit garçon qui s’ennuyait. »

Les premiers mots du récit en appellent à ses souvenirs d’errance et de désarroi quand les idées d’occupation viennent à manquer. Et c’est peut-être là la force principale de ce texte : inciter son lecteur à porter son attention sur son environnement naturel immédiat et « à aller au pays des arbres ». Le texte porte ainsi, dans son introduction, des éléments de discussion autour d’une question fondamentale lorsque l’on envisage la transition de nos représentations du monde, de nos pensées exotiques et du tourisme : qu’est-ce que voyager? Cette question pourrait être posée aux enfants avant la lecture de façon à recueillir leurs représentations initiales sur ce sujet majeur en termes d’impact carbone, de conséquences économiques et de liens culturels. A l’heure de la transition, partir au bout du monde et/ou fréquenter des lieux de loisirs non écoresponsables sont des prismes à revisiter, principalement dans les imaginaires des nouvelles générations : connaître le sentiment d’évasion, mêlé de liberté, qu’offre le « voyage » doit être repensé localement. C’est à la portée de ses pas ou à la force de ses pédales que l’écocitoyen de demain aura la possibilité de voyager de façon autonome, sans besoin financier et carboné. Alors ici pour vaincre l’ennui, Le Clézio nous propose, comme le chantait Brassens, de nous poser et de nous émerveiller auprès de notre alter ego, l’arbre.

« C’est comme ça qu’il a eu l’idée d’aller au pays des arbres. »

A l’image du jeune protagoniste, gagnons les sous-bois, bosquets, haies champêtres, parcs et jardins, forêts de prairie ou d’altitude. A défaut, honorons les ombrages de cet arbre isolé, bitumé ou non, qui nous émeut tous par sa capacité à vivre là où les conditions sont les plus difficiles. Une fois à destination, notre petit garçon « sentait tout un tas de choses bizarres, comme si les arbres voulaient lui parler, ou comme si les arbres bougeaient ». C’est bien ici l’originalité et l’intérêt pédagogique de la nouvelle de Le Clézio : chercher à percevoir par nos sens le lien à établir avec le végétal. Du début à la fin du récit, il place son personnage en situation d’expérimentation de sa sensibilité vis-à-vis de son environnement. La découverte sera lente et progressive : il est ici question de s’adapter à la noblesse ancienne et au rythme lent de l’arbre. Il pousse en permanence sans que cela soit perceptible pour les yeux. Il est une source de vie constante et bruyante à qui est capable de percevoir le puits racinaire, les injections de sève, le mouvement des branches, l’orientation des feuilles et les transformations chimiques vitales.

« Il s’est amusé d’abord à apprivoiser les arbres »

Il s’agit donc de faire preuve de patience et de douceur : prendre le temps d’établir ce lien et d’entrer dans une compréhension, ici sensorielle, mutuelle. Le Clézio le dit très bien, « le petit garçon n’était pas pressé de partir », ce qui nous ramène à l’idée première de ce que devrait être un vrai voyage. Non une course touristique effrénée, bouleversant les rythmes naturels et annihilant toute possibilité de relation saine, mais bien une lente pérégrination, les sens en éveil, à exercer la justesse de son regard et de son ouïe, la finesse de son goût et de son odorat, ainsi que la douceur de son toucher. Notons que de nombreuses activités autour des cinq sens en milieu naturel permettent dès le plus jeune âge d’exercer notre sensibilité d’animal au milieu naturel qui nous accueille. Ces temps d’apprentissage sont essentiels pour pallier le déficit progressif de nos capacités sensorielles, dû à notre bien trop grande fréquentation des milieux et objets artificiels. Vient donc ici le temps de la rééducation de nos sens, de la réappropriation de nos capacités à percevoir ; en somme, un éloge de la lenteur, du calme et de l’attention fort bienvenu en cette ère anthropocène effrénée, hyperactive, démente de bruits, de visions, d’odeurs, de goûts et de textures artificiels. « Apprivoiser » n’a pas ici le sens de domestiquer, à aucun moment du récit, le jeune garçon ne cherche à dominer son compagnon mais bien à lui prouver sa confiance, sa bonne volonté et son envie de lier une amitié véritable. Apprendre aux enfants à « (h)être » juste là, ici et maintenant, sans aucune autre fin que de se sentir exister, ancré à son écosystème par les liens sensoriels qui définissent in fine tout ce qui nous entoure, bien loin de la pensée cartésienne, qui a desservi les sens au détriment de la seule pensée. Il est temps de réhabiliter notre animalité, de retrouver grandeur et fierté à faire partie intégrante du vivant et donc d’y exercer pleinement ce qui a permis à nos ancêtres de (sur)vivre, nos sens :  Je sens donc je suis !

« Il n’a pas peur du tout, parce que les arbres sont ses amis. »

A l’heure du dérèglement climatique et de toutes les catastrophes naturelles qui en résultent, il est urgent tant d’émerveiller les enfants à la nature que de les rassurer quant à la fréquentation de cette dernière. L’actualité tend à présenter les éléments naturels comme des menaces, des sources de déséquilibres… À nous, acteurs de l’éducation, de réorienter ce regard vers nos sources de vie et de remettre au cœur de nos enseignements un principe fondamental : celui ou celle qui expérimente, teste et cherche, finit par découvrir, connaître et surtout apprivoiser ses propres émotions.  Ainsi, au-delà de l’approche sensorielle très prégnante dans cette nouvelle, elle est également l’occasion de travailler le vocable lié à l’arbre et surtout aux différentes essences qui y sont mentionnées. Des conifères aux feuillus, des chênes aux peupliers, ce ne sont pas moins d’une vingtaine d’arbres que les enfants peuvent (re)découvrir par les mots et en parallèle rechercher dans leur écosystème.

La lecture de cette nouvelle se prolonge ainsi dans le champ scientifique mais des pistes littéraires et artistiques peuvent être naturellement envisagées : définir son arbre « totem », le décrire, écrire un dialogue avec son arbre (comme le fait dans le texte le garçon avec le vieux chêne), percevoir les sonorités des arbres et définir un langage propre comme le propose à quelques reprises le texte. Mais aussi travailler à partir des illustrations proposées, notamment de celles animant les parties de l’arbre : pensons aux « yeux » sur les feuilles que l’on pourrait rapprocher des détails de l’Arbre de Vie de Gustav Klimt (sur cette dernière œuvre, profitons-en pour indiquer sous ce lien une proposition pédagogique intéressante), etc. 

Enfin, gageons qu’en retissant, générations après générations, ce lien ancestral entre les êtres, animaux et végétaux, nous contribuerons, naturellement, à moyen et long terme, à un apaisement de la pression exercée par les sociétés humaines sur leur environnement. Mais surtout, nous initierons, ce qui est fondamental, une réappropriation assumée de notre capacité à « être » un animal libre, heureux et capable de (sur)vivre harmonieusement dans son milieu naturel, d’y exercer sens et raison pour le protéger et l’aimer sans condition.

Retrouvez sous ces liens le texte intégral de la nouvelle et des pistes d’exploitation pédagogique.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’initiative ArborEcole, c’est par ici !

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