Des pique-niques scolaires zéro déchet
Temps de lecture : 10 minutes
[Ecole Zéro Déchet] est une initiative lancée par le réseau Profs en transition de façon à agir ensemble pour limiter les déchets dans et autour de nos écoles. Réfléchissons, collectons, analysons et faisons de nos écoles des lieux d’exemplarité de la lutte contre les déchets. Retrouvez cette initiative sur les réseaux sociaux via le #ecolezerodechet
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Petits ou grands, tous affectionnent particulièrement les pique-niques qui sont toujours de très bons moments dans la vie scolaire. Cependant ils peuvent se révéler extrêmement néfastes pour l’environnement ! Au delà de l’aspect nutritionnel parfois déséquilibré, entre repas et boissons prêts à emporter, films alimentaires, emballages de friandises et couverts en plastique, l’empreinte carbone de ces repas peut également vite monter en flèche.
Sur le groupe Facebook Profs en transition, les membres échangent leurs expériences, leurs astuces, leurs conseils et leurs réussites pour parvenir à réduire au maximum, voire à ne produire aucun déchet, pendant les pique-niques et les goûters scolaires. (Notons que ces conseils et astuces s’appliquent également hors du cadre scolaire !).
Afin d’investir les enfants dans une véritable démarche de réduction des déchets, il est nécessaire de constater avant tout la quantité produite individuellement et collectivement, pour chercher ensuite comment agir, y répondre en les réduisant, voire en les supprimant en amont, avant de se tourner vers un véritable pique-nique « zéro déchet ».
Pour plus d’informations et prendre conscience de la nécessité d’agir, nous invitons à lire la première partie de l’article Vers une école zéro déchet qui compile les dernières données concernant le volume de déchets produit mondialement, en Europe et en France.
Le constat : les pique-niques scolaires, de gros producteurs de déchets
Souvent les enfants n’ont pas conscience des déchets produits et/ou de leur nocivité lors d’un pique-nique ou d’un goûter et c’est bien normal. Trop excités de partager un repas convivial avec leurs camarades, ils ne sont souvent pas consultés pour la réalisation du panier repas. Les industriels rivalisent par ailleurs d’inventivité, via un marketing commercial très efficace, pour proposer une grande variété de produits qui, au delà du contenu ultra transformé dont nous connaissons aujourd’hui les effets, proposent malheureusement toujours plus de contenants et d’emballages, donc de déchets.
Un pique-nique sans guidage
Pour les amener à réduire les déchets qu’ils produisent, il sera nécessaire de leur en faire prendre conscience. Organiser un premier pique-nique sans donner de consigne préalable, c’est-à-dire sans guidage particulier de l’enseignant sur le contenu du pique-nique, permettra de constater la quantité de déchets produits. On peut envisager une pesée des poubelles, ainsi qu’une observation de ce qui les compose, mais également une comptabilisation. Ces chiffres pourront être réexploités en mathématiques, pour travailler les mesures de masse, ou même dans un exercice de proportionnalité (avec une classe, 2 classes, un établissement, plusieurs écoles, plusieurs fois dans l’année, en France, etc…). Les élèves se rendent alors compte que collectivement la quantité de déchets produite uniquement par ce simple événement est déjà colossale.
Une séance de tri permettra aux élèves d’entamer une réflexion concrète sur les déchets produits. Le choix des élèves dans ce tri orientera la suite des échanges :
- un tri ( selon les consignes de tri en vigueur dans la commune) en fonction de la composition des déchets conduira à un travail sur le recyclage des matières et leur réutilisation .
- un tri sur l’utilisation première des déchets (emballages, couverts, pailles, etc.) amènera plus directement une réflexion sur la possibilité de se passer de tel ou tel déchet.
L’émergence du résultat: problématisons !
Suite à ce premier travail, les élèves devront être amenés à se questionner sur le problème posé par la production d’une telle quantité de déchets : coût en matière première, en énergie, en eau, transports, pour la production, puis à nouveau pour le recyclage.
Cette démarche est indispensable pour faire prendre conscience de la nécessité de diminuer la quantité de détritus jetés à la poubelle lors des pique-niques et des goûters.
Il sera donc opportun d’introduire après cette réflexion la démarche zéro déchet au travers d’une méthode simple à retenir et que les élèves adorent, la méthodologie des 5 R :
- Refuser les choses inutiles ;
- Réduire nos déchets et notre consommation plus généralement ;
- Réutiliser les choses qui peuvent l’être ;
- Recycler les déchets qui n’ont pas pu être évités ;
- Rendre à la terre, c’est-à-dire composter.
Pour plus d’informations concernant cette méthodologie, retrouvez l’article spécifique sur la méthode 5R vers le zéro déchet sur le site Profs en transition (article en construction).
A l’issue de ce travail d’analyse, il est fort probable que les enfants se saisissent de la problématique et cherchent comment faire pour limiter les déchets produits lors du prochain pique-nique, voire pour ne plus en produire du tout, surtout si un autre pique-nique est d’ores et déjà programmé.
Un challenge inter-classes ou inter-écoles peut être organisé. Les alternatives identifiées par les classes/écoles/établissements seront alors comparées, et pourquoi pas lors d’une rencontre, d’un rassemblement inter-degré/établissements.
À la recherche des alternatives
En suivant l’idée que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas, le but recherché ne devra pas être de générer des déchets qui soient recyclables, mais bien de réduire au maximum les déchets produits. Cette réflexion pourra être menée en étudiant les différents types de déchets en fonction de leur utilisation. On pourra alors faire différencier 2 grandes catégories de déchets lors de ces piques-niques ou goûters : les déchets à usage unique et les emballages, et parfois même les 2 en même temps.
Les objets à usage unique
Il sera ici important de laisser les élèves réfléchir à l’utilité de chaque déchet puis à la recherche d’une alternative en leur laissant du temps pour faire leurs propres propositions.
Sur le groupe Profs en transition, un membre a partagé les affiches réalisées par ses élèves, qui retracent les réflexions menées.
Si les élèves sont en manque d’idées, l’enseignant ou l’animateur les amènera progressivement à trouver quelques alternatives, telles que
- les serviettes en papier → une serviette en tissu ;
- des couverts en plastique ou en bois jetables → des couverts en métal, à laver à la maison;
- une bouteille en plastique → une gourde réutilisable (en inox: le mieux pour éviter les transferts de matériaux) ;
- un gobelet en plastique ou en carton → un gobelet réutilisable ( l’idéal étant peut être de chercher à s’en procurer sans en faire produire), à laver à la maison ;
- des pailles en plastique → des pailles en inox ou en bambou, voire rien du tout.
Les emballages
La deuxième catégorie de déchets que l’on retrouve fréquemment dans les poubelles des pique-niques et des goûters scolaires sont les emballages : du sandwich acheté prêt à consommer ou fait maison et emballé dans du film cellophane ou du papier aluminium, aux papiers de bonbon en passant par les gourdes de compotes, sans oublier l’éternel sachet de chips !
Nous devrons guider les réflexions de nos élèves afin d’essayer de répondre à deux questions :
- l’emballage est-il toujours utile ? Est-ce nécessaire d’emballer une clémentine, une banane ou même une pomme dans un film plastique ?
- Si on ne peut pas le supprimer, l’emballage jetable peut-il être remplacé par un emballage réutilisable donc durable ?
Là encore, il sera nécessaire de laisser émerger les propositions, afin qu’ils s’approprient leurs alternatives et soient moteurs de la transformation de leurs pique-niques.
En cas de difficulté à trouver des alternatives, on peut procéder de la même manière :
- pour emballer les sandwichs → une boite, un beewrap (tissu enduit de cire d’abeille), une serviette en tissu, un sachet plastique à laver et à réutiliser aux pique-niques suivants ;
- pour supprimer l’emballage des chips (ce sujet fait toujours autant débat chez les Profs en transition) car vendues presque toujours dans des sachets jetables → remplacer et apprendre à varier les aliments par des bâtonnets de carottes ou une carotte à croquer, un thermos de soupe, du pop-corn salé, des mélanges de fruits secs, des cacahuètes ou des biscuits apéritifs vendus en vrac et transportés dans une boite ou un sac à vrac, des chips faites maison ;
- pour supprimer les gourdes de compote → des gourdes réutilisables ou d’anciens pots à confiture remplis avec un gros pot de compote ou de la compote maison, ou plus simplement un/des fruits à croquer ;
- pour supprimer les emballages des boissons → utiliser une gourde, à remplir d’eau qui peut être aromatisée avec un sirop, des plantes (quelques feuilles de menthe, des gouttes de citron…), de jus de fruits, de tisanes…
- pour supprimer les emballages de biscuits industriels → des gâteaux faits maison dans une boîte, une serviette ou un beewrap ;
- pour supprimer les emballages de bonbons → des bonbons achetés en vrac ou faits maison mis dans une boite, un beewrap; une serviette, voire même de les supprimer.
Certains membres profitent aussi de l’occasion d’un pique-nique pour faire découvrir de nouvelles saveurs qui sortent de l’ordinaire des supermarchés en apportant eux-mêmes des légumes inconnus ou mal connus des enfants (fenouil, carotte violette, radis divers…), fruits divers (locaux et de saison de préférence cf. “pour aller plus loin”, plus bas dans l’article).
Afin d’inciter les enfants à faire eux-mêmes certains éléments de leur pique-nique, des recettes pourront être réalisées en classe au préalable : cookies ou gâteaux divers, cakes salés, bonbons… Une occasion unique de travailler les mesures de masse, la proportionnalité, la coopération, la lecture et l’écriture d’une recette par exemple, et de faire goûter aux enfants de nouvelles recettes qu’ils seront fiers de refaire à la maison.
Tout ce travail prendra sens dans la mise en place d’un pique-nique durant lequel les enfants devront relever le défi de produire le moins de déchet possible. C’est aussi une très bonne occasion de développer la thématique du mieux consommer.
Enfin notre premier pique-nique zéro déchet !
Avant la réalisation du pique-nique zéro déchet, il peut rester plusieurs étapes nécessaires : mettre les solutions à l’épreuve de la pratique et communiquer avec les familles pour qu’elles puissent poursuivre le travail réalisé avec les enfants.
La mise à l’épreuve des alternatives envisagées
Pour s’assurer de la réussite de l’événement final (LE pique-nique zéro déchet), certains membres proposent de tester les alternatives envisagées, ou du moins celles posant questions quant à leur faisabilité ou à leur efficacité. Cela permet d’ajuster les solutions proposées pour le jour J.
Un autre membre a réalisé un « pique-nique test » avec ses élèves en le préparant entièrement en classe. Par petits groupes, les élèves ont fait les courses, cuisiné et préparé leur pique-nique avec pour principale préoccupation de produire le moins de déchets possibles, et en apprenant à respecter un budget défini en amont. Le résultat a été très positif : les élèves étaient impliqués et les déchets peu nombreux !
Cependant, il est également nécessaire comme pour beaucoup d’autres sujets que l’ensemble de la communauté éducative soit partie prenante, ici plus particulièrement les parents. Une bonne communication c’est s’assurer de la réussite du pique-nique zéro déchet.
La communication avec la famille
Si les enfants sont impliqués et motivés pour préparer un pique-nique zéro déchet, ce ne sont pas eux, au moins pour les plus jeunes, qui font les courses. Il est donc essentiel d’associer les parents et leur expliquer la démarche pour la réussite du projet.
Ainsi, sur le groupe, A. explique que « suite aux interrogations des parents au conseil d’école (…), j’ai dit à mes élèves de composer leur menu équilibré (après leçon sur l’alimentation et l’écologie) et sans déchet. Puis ils ont écrit eux-mêmes la lettre aux parents pour expliquer et en signant. ». Cette pratique permet d’impliquer encore davantage les enfants et d’augmenter les chances d’adhésion des parents.
Plusieurs mots déjà tout prêts ont également été échangés sur le groupe. Ceux-ci par exemple :
Une fois tout ce travail réalisé, il ne reste plus qu’à profiter du pique-nique, du goûter, de savourer ces moments où les enfants, impliqués dans une nouvelle démarche, sont fiers de montrer ce qu’ils ont apporté et de partager leurs connaissances. Si, à la fin du repas, il reste quelques déchets, c’est encore l’occasion d’y réfléchir et faire qu’au prochain pique-nique, on puisse encore s’améliorer
De même, si on veut aller plus loin, les pique-niques et les goûters sont une bonne occasion d’aborder la question de l’alimentation. On pourra ainsi évoquer ce qu’est un repas équilibré, mais également prendre en considération l’empreinte carbone de notre alimentation.
Pour aller plus loin : des pique-niques et des goûters de saison, locaux et bio
Au-delà des déchets qu’ils produisent, les pique-niques et les goûters scolaires peuvent être de véritables machines à carbone. En effet, il n’est pas rare de trouver dans les paniers repas, et ce même en plein hiver, des tomates cerises ou des sandwichs ayant parcouru des centaines de kilomètres avant d’arriver dans les rayons du supermarché où ils seront finalement achetés.
Pourtant, l’émission de carbone est réduite drastiquement quand on choisit des trajets courts. En effet, pour les courses, on peut privilégier les produits de producteurs locaux – maraîchers, fermiers, fromagers, bouchers, etc. – et les articles de commerçants du coin, qui soutiennent la démarche zéro-déchet.
Il est également indispensable de choisir des aliments de saison qui suivent le rythme naturel de production en fonction du climat local (sans serre, sans chauffage et sans transport excessif car produits non loin). Ces aliments pourront, si possible, être issus de l’agriculture biologique, afin de réduire l’impact de la production sur les biotopes et la biodiversité. On peut aussi promouvoir le zéro-gaspi et concocter le menu du pique-nique avec les restes de la veille.
Si l’ensemble de ces pistes de réflexion sont mises en application, il ne fait nul doute que l’empreinte carbone du pique-nique et/ou du goûter scolaire sera drastiquement réduite, sans que ne soit porté atteinte au bonheur de cette activité ô combien attendue par les enfants !
Sur le groupe Profs en transition, plusieurs membres témoignent de la réussite et de la fierté des élèves (et de leur enseignant !) à l’issue du premier pique-nique zéro déchet.
S. raconte par exemple : ‘‘Journée pique-nique aujourd’hui avec ma classe de CP, CE 1 et 2 autres classes de CP. (…) Résultats : déchets non recyclables : Classe 1 (la nôtre) : 19 personnes 50 g ; Classe 2 : 8 personnes 50g ; Classe 3 : 16 personnes 180g. Bilan une maîtresse super fière de ses élèves et un bilan très positif. A 17h remise des calculatrices pour les futurs 6ème par la mairie avec pot (gobelets en plastique…) Et mes élèves qui disent au Maire ” Pourquoi vous ne prenez pas des verres pas en plastique jetable ? C’est pas bon pour la planète !!!”
De son côté, O. rapporte sa première expérience de pique-nique zéro déchet avec sa classe de collégiens :
‘‘Mes troisièmes ont réalisé ce midi le premier pique-nique zéro déchet de mon collège. Ils ont tous tellement bien joué le jeu qu’après avoir jeté les quelques déchets végétaux dans le compost du collège il ne reste … rien ! Absolument rien! Je leur avais fait des brochettes de fruits en dessert et j’avais un peu peur de leur réaction devant 5 fruits et légumes par jour 😅 et bah même pas ! Ils ont tout dévoré : « c’est trop bon madame ». Bref zéro déchet et ils ont mangé équilibré en prime. Le bonus : je leur ai montré mon bee wrap, à quoi ça servait, et comment on les fabrique. Suis trooooop contente de ma journée 😍😍’’.“
La question de récompenser les élèves ayant joué le jeu ou la classe produisant le moins de déchet s’est posée. Certains membres encouragent leurs élèves en distribuant des diplômes ou des récompenses sous forme de privilèges, d’ateliers à réaliser en classe, etc. à ceux qui se sont particulièrement investis. D’autres préfèrent limiter au minimum les situations de compétition entre élèves. Ils choisissent alors soit de récompenser tous les élèves ayant participé, soit de féliciter tout simplement leurs élèves pour leur implication.
Si cet article vous a plu et que vous souhaitez ensuite étendre vos actions autour de cette thématique, retrouvez l’article: Vers une école zéro déchet. Cet article vous emmène faire un tour d’horizon des possibilités pour agir contre cette pollution dans nos établissements ainsi que quelques chiffres qui mettent en relief la nécessité d’éduquer à la réduction des déchets.
Venez partager avec nous, sur le groupe Facebook ou par vos commentaires, vos expériences ou vos questionnements sur les pique-niques et les goûters éco-responsables.
2 commentaires
Catherine George
J’adhère complètement. J’enmene mes élèves vers cette démarche. Je couds du zéro déchet etc.
Nous avons fait du produit à lessiver et ils aiment ça !
Je pense que pour que les enfants le fassent, il faut qu’ils voient que l’enseignant le fait aussi.
Toute l’école dans cette démarche, ce serait top.
Maximilien
Je suis animateur Nature, j’emmène souvent les enfants en sortie découverte et je propose toujours de faire un pique-nique avec la classe pour optimiser le temps de sortie et offrir aux élèves un temps convivial en pleine nature. Cependant, je constate que cette activité génère une montagne de déchets en contradiction avec mon message global de protection et de respect de l’environnement. A partir de maintenant, j’inciterai tous les enseignants à opter pour le pique-nique Zéro Déchet et à le à préparer en classe avec leur élèves. Merci pour votre documentation claire et pertinente que je ne manquerai pas de partager!